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#1 — La mode et l'économie circulaire
Dernière mise à jour : 3 mars 2021

On entend souvent parler du concept de « mode circulaire », comme s’il existait une manière simple et unique d’intégrer la circularité à une marque de vêtements. En réalité, la circularité est un vaste concept, qui peut se mettre en pratique de bien diverses manières, et à des moments variés de la chaine de valeur.
L’économie circulaire est un modèle économique qui vise à changer de paradigme par rapport à l’économie dite linéaire (extraire, fabriquer, consommer, jeter), en limitant la consommation et le gaspillage des ressources ainsi que la production de déchets. L’économie circulaire, c’est penser en « boucle fermée » ou repenser les déchets comme des ressources pour soi ou pour les autres.
Alors comment est-ce que les marques de mode peuvent-elles intégrer la circularité à toutes les étapes de leur activité ? C’est ce que nous avons décrypté ci-dessous, avec quelques exemples de marques innovantes en guise d’inspiration.
1 — CONCEPTION ET FABRICATION
La circularité peut être intégrée dès les premières étapes du cycle de vie d’un produit : sa conception et sa fabrication. Une conception circulaire passe notamment par l’utilisation d’éco-matériaux. Les éco-matériaux issus de la mode circulaire peuvent être :
Des matières recyclées
Récupération des fibres issues des filières de recyclage textile ou d’autres secteurs (textile recyclé, polyester recyclé…).
Picture Organic Clothing est une marque de vêtements de sport de glisse qui se positionne comme un acteur de la mode circulaire française. La marque intègre du polyester recyclé dans ses vêtements techniques depuis sa création en 2008. Aujourd’hui, 69% du polyester utilisé est issu du recyclage de bouteilles plastiques.
Des matières biosourcées
Issues de matières naturelles (brutes ou déchets)
La marque Caval travaille sur un modèle de basket vegan à base de fibres de peau de pommes recyclées appelé Pellemela.
Des matières upcyclées (ou surcyclées en français)
Revalorisation de matières usagée sans la décomposer. Contrairement au recyclage, les matières utilisées ne recommencent pas un nouveau un cycle de vie.
La marque Les Récupérables donne ainsi une seconde vie à du linge de maison, des fins de rouleau et tout autre textile issu du réemploi (relais, invendus…).
La Vie est Belt s’approvisionne quant à elle principalement en pneus pour concevoir des ceintures. Alors que le recyclage est un processus de décomposition d’un objet transformé en nouveau matériau, l’upcycling détourne un objet sans le décomposer et lui redonne de la valeur. La Vie est Belt est un exemple d’upcycling de pneus, la marque de sneakers OTH un exemple d’utilisation de pneus recyclés utilisés pour faire des semelles.

Les marques peuvent également récupérer des chutes de leur propre production (matières neuves destinées à être jetée) pour les réintégrer dans le procédé de fabrication d’un produit annexe.
Hermès utilise ses chutes de cuir pour produire des petits accessoires vendus dans une collection dédiée ; « le petit H ».
La marque JULES & JENN vient de présenter sa première collection de maroquinerie entièrement créée à partir des chutes de cuir de leur production de sacs à mains. Cela leur permet de donner une seconde vie à du cuir initialement voué à devenir des déchets et de le transformer en objets à forte valeur ajoutée.

2 — UTILISATION
Le modèle circulaire peut également être utilisé pour optimiser et rallonger la durée de vie des produits lors de sa phase d’utilisation, ce qui contribue à la rentabilité de sa production.
L’entretien et la réparation
prolongent la durée de vie des produits et ainsi diminuent notre dépendance aux ressources naturelles, tout en produisant moins de déchets.
Nudie Jeans a entamé une vaste démarche de valorisation et de facilitation de l’acte de réparation des jeans vendus. Les clients ont la possibilité de ramener leur jean en magasin dans des « Repair Shops » pour le faire réparer gratuitement ou de le réparer eux-mêmes à l’aide d’un « Repair Kit » téléchargeable gratuitement sur le site.
Qualité et intemporalité
Concevoir avec des matériaux de qualité et un design intemporel permet également de s’assurer de la maximisation de la durée de vie du produit, dès la première main.
Loom a pour ambition de proposer des vêtements qui sont conçus pour durer. Pour cela, les équipes travaillent à l’identification de « failles » ; des points de fragilité qui réduisent habituellement la durée de vie des vêtements (boulochage, rétrécissement, décoloration, etc.) et trouvent une solution pour les résoudre. Chacun de leurs produits est testé et doit avoir une résistance supérieure aux produits équivalents sur le marché avant d’être mis en vente.
Maison standard mise sur des designs intemporels et des matériaux de qualité pour un vestiaire durable qui ne se démode pas au fil des saisons.
Ces deux marques, aux approches à contre-pied de la fast fashion (1 collection toutes les deux semaines de produits peu qualitatifs, presque « jetables »), interrogent également leurs clients dans la conception de leurs collections afin d’être au plus proche de leurs attentes et besoins réels.
La customisation
permet de prolonger la durée de vie de certains produits abîmés ou démodés en leur redonnant de la valeur.
Tilli est une plateforme de mise en relation entre particuliers et un réseau de couturiers/stylistes professionnels. Ces derniers se déplacent à domicile pour proposer des retouches et la personnalisation de vêtements, accessoires ou linges de maison avec des broderies faites à la main.
Seconde main
La réutilisation des produits grâce à la vente d’occasion ou encore le don sont des moyens très efficaces d’utiliser la valeur résiduelle de vêtements non-portés.
Plusieurs marques ont décidé de se lancer dans la seconde au travers de plateformes dédiées à la facilitation de la revente de ses propres produits. Cyrillus a développé la plateforme collaborative « Seconde Histoire » by Cyrillus sur laquelle les clients peuvent revendre les vêtements qui ne sont plus portés : un modèle particulièrement pertinent pour le marché de la mode enfant, où l’utilisation des produits est relativement courte. Les clients peuvent également donner les vêtements inutilisés afin qu’ils soient recyclés.
Sur le marché du prêt-à-porter adulte, Maison 123 et Kaporal ont également lancé une solution de seconde main pour que leurs clients puissent vendre les vêtements de la marque et les acheter d’occasion.
Sous une autre forme, le groupe américain Gap s’est associé à ThredUp, une plateforme de revente de vêtements d’occasion, pour encourager ses clients à participer à l’économie circulaire, en devenant un partenaire de leur programme Resale-as-a-Service (RAAS).
Il existe également des plateformes multi-marques dédiées comme Vide dressing ou Vinted. Celles-ci servent d’intermédiaires entre particuliers souhaitant vendre ou acheter des articles d’occasion. Elles représentent un réel manque à gagner pour les marques dont les vêtements sont revendus sans que celles-ci n’en bénéficient.

3 — FIN DE VIE
Il est particulièrement pertinent d’intégrer les principes de l’économie circulaire en fin de vie du produit. Cela permettra d’éviter qu’il devienne un déchet, ce qui réduirait sa valeur résiduelle à zéro (voir négative si le vêtement devient une forme de pollution).
Recyclabilité
Pour optimiser la fin de vie des produits, on peut concevoir les produits de manière à ce qu’il soit facile de les réparer et de les démonter pour pouvoir les recycler ou leur donner une seconde vie. La recyclabilité est facilitée par une conception mono matière et la biodégradabilité des produits est rendue possible par le choix des matériaux (lin, lyocell). Le recyclage permet de réintégrer la matière dont est composé le produit dans un nouveau cycle de production et d’usage.
La jeune marque Sessile, incubée au sein du Groupe Eram se donne pour rôle de réfléchir au devenir des sneakers qu’elle met sur le marché afin de leur donner une fin de vie circulaire. Elle les a donc conçus de manière à ce qu’elles soient quasiment totalement recyclables. Les chaussures en fin de vie sont renvoyées à la marque pour être ressemelées, et le dessus sera rénové. Elles seront ainsi reconditionnées pour prolonger leur durée de vie. Lorsqu’elles seront trop usées et inutilisables, elles seront désassemblées dans le but d’être recyclées ! La tige sera broyée et la semelle refondue pour redevenir une semelle et ainsi de suite.
Biodégrabilité
Les produits biodégradables ou compostables sont une autre façon de minimiser l’impact de la fin de vie du produit.
Le T-shirt Zumoi est l’un des basiques d’Aatise, marque de mode éthique et made in France. Il est fabriqué à partir de lin, qui n’utilise ni pesticides, ni solvants et est assemblé en fil de coton, sans étiquette en polyester et sont donc entièrement naturels. Cela le rend facilement recyclable mais également 100% biodégradable (il se désintègrera entièrement dans un compost de particulier).

Le “jeans Infini” de 1083
Un exemple notable illustre les trois dimensions de l’économie circulaire que nous venons d’aborder : le Jeans Infini de la marque française 1083. Ce jeans est conçu sur les bases de l’économie circulaire afin d’être dans une boucle complètement fermée : il est 100% recyclé et 100% recyclable. La toile est composée de polyester recyclé à partir de déchets marins. Les boutons, les fils à coudre et les étiquettes sont dans la même matière : l’emploi d’un mono-matériau permet d’atteindre 100% de recyclabilité facilement. Pour ce faire, 1083 collecte le jeans en fin de vie via un système de consigne à leurs clients. Le jeans récupéré est ensuite broyé, et re-tissé en fil puis en jeans Infini neuf.
Ce produit est donc un exemple parfait de l’économie circulaire : il est conçu et fabriqué de manière à ce qu’en fin de vie, il devienne la matière première du même produit neuf.
« Une boucle vertueuse dans laquelle on transforme les déchets en ressources. » 1083
