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L’autre attitude possible pour surmonter la crise du coronavirus… et penser l’après !

Maintenant que nous sommes (enfin) passé d’un discours de guerre à un discours plus axé sur la résistance, il est d’autant plus utile de proposer des alternatives pour « réagir » autrement à la situation que nous subissons et « penser » à l’après.
Pour ce qui est de la réaction et de la façon de gérer l’anxiété et la peur qui nous étreint, il existe un moyen très simple et efficace : la curiosité.
Ce mode mental de la découverte est en effet le meilleur des antidotes pour surmonter nos angoisses.
Prenons un cas emblématique, l’appréhension que beaucoup d’entre nous ont quand nous mettons la tête sous l’eau avec un masque et un tuba, que ce soit dans un lac ou dans la mer.
Alors que nous sommes physiologiquement toutes et tous en capacité de descendre entre 10 et 20 mètres de profondeur (sans avoir fait 10 ans de yoga…), seule une toute petite minorité y arrive effectivement.
Et la seule raison en est notre crainte aussi bien des créatures que nous pourrions croiser, que la pression qui s’exerce sur notre corps et en particulier nos oreilles lorsqu’on descend vers le fond. Il faut donc d’une part apprendre à « orienter » notre imaginaire en développant une curiosité, et non une peur, pour ce monde sous-marin, et à gérer la pression liée à notre descente, tout simplement en pinçant ses narines et en soufflant par le nez (pour les initiés, ça s’appelle la manœuvre de Vasalva).
Pour celles et ceux qui y arrivent, l’impression arrivé en bas est multiple : nous ne sommes pas essoufflés ! Bien au contraire, nous sommes apaisés, enivrés d’un sentiment de bien-être. Au bout de quelques secondes, les poissons autour de se rapprocherons peu à peu. Eux aussi sont curieux de nous découvrir. Nous réalisons alors l’ensemble des formidables interactions possibles que nous pouvons avoir avec ce monde vivant…
Surmonter sa peur pour mieux développer son empathie
Au-delà de surmonter sa peur, l’intérêt fondamental de cette première « attitude » mentale est qu’elle développe notre « aptitude » d’empathie avec le monde et les êtres (humains, animaux, végétaux) qui nous entourent. Pour poursuivre ma métaphore sous-marine, cette fois ci axée sur l’empathie, rien de mieux que de visionner cette vidéo d’Hugues Vitry, probablement le meilleur spécialiste de la faune sous-marine de l’Ile Maurice, dans laquelle il fait une séance de « calinothérapie » avec une murène de près de 2 mètres (c’est à la 9ème minute pour les impatients…). Cette murène pourrait facilement lui arracher un bras voire le maintenir au fond jusqu’à ce que mort s’en suive (n’oublions pas que le personnage d’Alien et de sa double mâchoire est directement inspiré de la morphologie de la gueule d’une murène…). J’aurais également pu prendre comme exemple le bonheur d’enfants autistes après une interaction multi sensorielle avec les chevaux qui « sentent » particulièrement bien nos intentions, positives comme négatives.
Si je poursuis l’analogie avec le coronavirus,
on voit à quel point la curiosité permet de comprendre que les virus ne sont pas mauvais en eux-mêmes, qu’ils font partie de notre univers quotidien, voire de notre système immunitaire, notamment lorsqu’on « co- » évolue avec eux.
Saviez-vous que nous portons tous au sein de notre paroi nasale, un virus mangeur de bactéries qui nous préserve des infections ?
La curiosité nous permet également d’adopter une meilleure réaction face à tout ce qui peut nous nuire, en restant loin de la paranoïa. Elle peut nous inciter à comprendre pourquoi les chauve-souris, qui sont très souvent porteuses de ces virus, ont des défenses immunitaires qui bloquent la réaction inflammatoire à l’origine de la plupart des décès liés au COVID 19 et ainsi développer des stratégies thérapeutiques efficaces sur le long terme (voir à ce sujet ce passionnant article du Monde).
Une fois ce premier état mental (re)trouvé, nous sommes bien mieux « équipés » (et non armés…) pour surmonter la crise. Nous devenons surtout aptes à penser l’après-crise.
Là encore, nous aurons besoin d’aller chercher deux ressources que nous avons toutes et tous en nous : la créativité et l’intelligence collective.
La créativité, c’est la formidable capacité d’adaptation que nous pouvons développer individuellement pour inventer des solutions techniques, des nouvelles formes de culture, des détournements d’objet ou d’application ou encore des œuvres d’art.
L’intelligence collective c’est notre capacité à croiser des réflexions comme des neurones pour décupler cette inventivité, à rebondir sur l’intelligence des autres pour la dynamiser et dynamiter nos façons de penser.
Nous avons vu à quel point ces deux qualités ont permis de résoudre de nombreux problèmes urgents sur le très court terme, allant de tutoriels de fabrication de masque avec des mouchoirs à des adaptations de masques de snorkeling Décathlon ou encore le détournement de pièces de moteurs Fiat ou Ford pour fabriquer des respirateurs; de la production de parfum à celle de gel hydroalcoolique ou bien encore de délicieuses recettes de cuisine anti-gaspi en mode « cucina povera ».
Penser l’« après » en interaction avec notre environnement
Créativité et intelligence collective vont, n’en doutons pas, être encore plus indispensables pour inventer notre façon d’exister après cette crise sans précédent.
Car, devant ce péril qui nous guette de repartir de plus belle dans une frénésie consumériste, ces deux qualités humaines vont être indispensables pour accepter la revue de nos pratiques et comportements aussi bien nécessaire dans notre vie personnelle que professionnelle.
Pour faciliter cette projection sur le long terme avec, en ligne de mire, l’urgence climatique et les inégalités sociales grandissantes, je ne saurais trop vous recommander de faire ce petit exercice proposé par le philosophe et sociologue Bruno Latour dans un récent article de la revue AOC. L’exercice est originalement présenté comme « une aide à l’auto-description ». Je me permets ici de reprendre 2 des 6 questions posées :
Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas ?
Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles se développent/reprennent ou celles qui devraient être inventées en remplacement
Ce travail à l’échelle individuelle peut notamment être un excellent préalable à une projection collective, notamment pour faire évoluer le monde économique et financier.
Jacques Attali dans un récent éditorial des Echos suggérait par exemple de lancer un emprunt destiné à soutenir et relocaliser les « industries de la vie » : santé, alimentation, éducation, … Mais cette intégration des dimensions politique et sociétale, si pertinente soit-elle, continue de partir du seul point de vue des besoins humains sans intégrer de manière équivalente les besoins de notre environnement. C’est ce que démontre très bien Pascal Picq dans le même quotidien, nous rappelant en bon Darwinien, que nous ne sommes pas « au-dessus des autres espèces » et que nous n’avons pas d’autre choix que de co-évoluer avec elles, notamment en pratiquant la « bio-inspiration ».
D’où l’intérêt des récentes propositions des 150 membres tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat réunis en visioconférence les 3 et 4 avril derniers. Parmi ces propositions, on peut citer la décarbonation de l’économie, le frein à la surconsommation ou à l’étalement urbain, ou bien encore le développement des circuits courts et de l’alimentation durable.
Pour porter cet « espoir d’un nouveau modèle de société », il apparaît donc clairement que cette réflexion devra dans tous les cas réaliser ce qu’on appelle en innovation une « synthèse créative ». Autrement dit, une pensée systémique où devront se mêler les sciences (du climat et du comportement notamment), les arts, l’économie et la politique pour pouvoir tracer les contours d’un monde à la fois soutenable et épanouissant, pour chacun et pour tous, pour l’Homme et la nature.